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vie en société

  • Deux vertus encore

    Ossola Les vertus communes.jpgL’été a déjà bien ralenti le rythme des blogs et/ou des commentaires. Comme chaque année, la belle saison nous appelle au plein air, à la détente, aux rencontres : « Aller, venir, ouvrir nos yeux, nos oreilles, rêver… » (Plumes d’anges). Quoi qu’il en soit, les billets d’été comme ceux d’hiver restent disponibles en ligne et trouvent parfois de nouveaux lecteurs occasionnels, en plus de fournir à celles ou ceux qui les ont rédigés une mémoire externe facile à consulter pour rafraîchir ses souvenirs, n’est-ce pas ?

    Avant de refermer pour de bon l’essai de Carlo Ossola divisé en douze chapitres, soit « douze stations pour devenir un peu plus humains » (titre de l’introduction), voici deux vertus encore. Après l’affabilité, la discrétion, la bonhomie, la franchise, la loyauté, la gratitude, la prévenance, l’urbanité, la mesure et la placidité, place à la constance et à la générosité.

    La constance

    XI. « La constance que je préfère est la roue du potier*, le tour que font les mulets autour de la meule, le balancement des bras qui fauchent l’herbe, la cantilène pareille à une ritournelle, le charretier en route : « Et en chantant, sur une triste mélodie, / Le charretier salue la dernière blancheur / De la lueur fuyante / Qui l’avait guidé, chemin faisant » (Leopardi, Le Coucher de la lune) ; tout ce qui, à une cadence silencieuse, assure la durée de l’être humain ; nihil novi sub sole, notre seule éternité. »

    Carlo Ossola, Les vertus communes

    * allusion à une réflexion d'Italo Calvino citée juste avant (dans une lettre à Primo Levi)

    La générosité

    XII. « Mais il existe un personnage qui réunit en soi toutes les générosités, et bon nombre des petites vertus que nous avons examinées jusqu’à présent (de la bonhomie à la prévenance, de l’affabilité à la constance), c’est Geppetto dans Pinocchio de Carlo Collodi. »

    Ossola La vie simple.jpgCarlo Ossola l’explique en quelques pages à la fin des Vertus communes (2019). Dans ce petit volume dont j’ai partagé ici des bribes apéritives, les auteurs latins et italiens abondent, mais il y en a beaucoup d’autres.

    Ce dernier chapitre, par exemple, s’achève sur des paroles de chanson, The Stranger Song de Leonard Cohen, et un film, John McCabe, « scandé par ce refrain ».  

    Merci à celles et ceux qui ont pris le temps de réagir ici aux propositions de cet essai intéressant. Avis aux amateurs : je découvre un peu tard sur le site des Belles Lettres que Carlo Ossola a repris et complété son sujet en 2023 dans La Vie simple, Les vertus minimes et communes : douze vertus « pour soi » et douze vertus « pour les autres ». Parmi celles-ci, l’extrait à lire en ligne porte sur le tact et l’ironie.

     

  • La placidité

    X. Parmi les douze vertus choisies par Carlo Ossola, la placidité est celle à laquelle je m’attendais le moins, doutant même, en mon for intérieur, qu’elle en soit une. L’auteur la définit comme « l’équilibre, pleinement atteint, de la maîtrise de soi […] au-dessus des passions, des ambitions, des désirs, des rivalités, des emportements. »

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    Massimo d’Azeglio, La vie au lac avec un bateau (Wikimedia)

    « Ce n’est pas seulement une vertu humaine, mais un aspect du cosmos organisé par le divin, qui repose sur la paix de la beauté […] », continue-t-il, citant à l’appui Lucrèce, Cicéron, Erasme et d’autres. Je préfère reprendre le dernier paragraphe de ce chapitre, pour son actualité, bien que le passage cité par Ossola date de… 1861.

    « Ainsi de nos jours. En dépit du monde violent et déclamatoire qui vient à notre rencontre, je demeure placidement confiant, avec Massimo d’Azeglio : « Le métier de charlatan politique devient chaque jour plus difficile. Les vieilles ruses qui servaient à conduire les peuples, les joujoux de leur enfance, de même que les épouvantails de leur vieillesse, sont désormais inutilisables […]. Et, de fait, les partis extrêmes, qui ne profitent que de l’enfance ou de la décrépitude des peuples, sont hors d’eux-mêmes, en proie à l’égarement, et jamais leur agitation n’a été plus convulsive qu’aujourd’hui. » Certes, il faudrait que les peuples s’exercent à mûrir… »

    Carlo Ossola, Les vertus communes

  • La mesure

    carlo ossola,les vertus communes,essai,littérature italienne,vie en société,vertus,culture,mesureIX. « Au temps du « sublime » et de l’héroïsme, on aurait parlé de « vertu médiane » ; et ce terme ancien nous offre justement une interprétation opportune à ce stade de notre parcours ; les vertus communes, et la « mesure » au premier chef, ne « prennent » pas facilement ni ne s’épanouissent dans les caractères tragiques, dans les tempéraments orageux, dans cette forêt romantique et détraquée qui peuple un si grand nombre de romans modernes ; ce sont des vertus qui s’accordent avec la basse continue. Nous ne les remarquons pas ni ne les apprécions : « Avouons-le à notre honte, la vertu mesurée ne nous passionne guère. Nous voulons des excès ; et les excès sont des vices. » (Antoine Houdar de La Motte, Discours sur la tragédie à l’occasion de « Romulus », 1754)

    Carlo Ossola, Les vertus communes

     

  • L'urbanité

    VIII. « En raison d’une grève du métro, je suis en retard à un rendez-vous avec le Prix Nobel de physique Pierre-Gilles de Gennes ; je frappe à la porte de son bureau, entre et m’excuse, essoufflé. « Vous n’avez pas à vous excuser ; c’est plutôt moi qui dois vous remercier de n’avoir pas interrompu le fil d’une démonstration. Asseyez-vous donc » (urbanitas : modération et retenue…). »

    Cyrano à la Comédie Française.jpg
    “Cyrano de Bergerac” d’Edmond Rostand par Denis Podalydès pour la Comédie-Française, 2017 (source).

    Le chapitre de l’urbanité s’ouvre sur cette anecdote avant de présenter la « vertu de l’adoucissement ». La scène illustre parfaitement l’étymologie de cette vertu – « qualité de ce qui est de la ville ; urbanité, bon ton, politesse de mœurs ; langage spirituel, esprit » (TLF) –  qu’on voudrait pratiquée par davantage de citadins.

    Carlo Ossola y fait allusion en terminant le chapitre VIII par le rappel d’une réplique bien connue et pleine d’esprit. « Et pourtant, sans urbanité, comment pourrions-nous supporter l’arrogante insolence qui nous assaille de toutes parts ? Le journaliste Nicolas Domenach raconte que Jacques Chirac, insulté à Bormes-les-Mimosas par un contestateur qui l’avait traité de « connard », avait souri en lui répliquant, à l’instar de Cyrano* d’Edmond Rostand : « Enchanté, moi c’est Chirac ! »… »

    Carlo Ossola, Les vertus communes

    *La référence en note de bas de page m’a permis de facilement retrouver la source, dans l’Acte I, scène 4 de Cyrano de Bergerac :

    Le vicomte.

    Maraud, faquin, butor de pied plat ridicule !

    Cyrano, ôtant son chapeau et saluant comme si le vicomte venait de se présenter.

    Ah ?… Et moi, Cyrano-Savinien-Hercule
    De Bergerac.

    (Rires.)

  • La prévenance

    Ossola Les vertus communes.jpgVII. « La prévenance*, enfin, est aussi rapide dans sa sollicitude que douce dans sa retenue, elle incarne parfaitement le bel adage d’Erasme, « Sedens columba » : « Suidas le recense comme proverbe et indique que l’on avait coutume de dire cela des personnes extrêmement douces et simples. En effet, lorsque les colombes s’envolent, elles dépassent tous les autres oiseaux par la vitesse de leur vol ; mais, une fois posées, il n’y a rien de plus doux et de plus simple. » Nihil mitius aut simplicius. »

    Carlo Ossola, Les vertus communes

    * [TLF : Disposition de celui qui va au-devant des besoins, des désirs d’autrui.]